" A six heures la bataille était engagée. A sept heures elle était perdue."
Lieutenant Ybarnegaray - Avril 1917
Il y a 100 ans, le 16 avril 1917, à 6 heures du matin, quelque part entre Reims et Soissons, commençait une des batailles les plus meurtrières de la première guerre mondiale. Sur un front de 30 km. les V° et VI° armées des généraux Mangin et Mazel partaient à l’assaut du Chemin des dames.
Une route chargée d’histoire, qui suit le faîte du plateau entre Aisne et Ailette, commence devant la ferme d'Hurtebise à l'est, et court vers l'ouest, au sud d'Ailles, entre Troyon et Cerny, franchit l'Epine de Chevregny, passe près du fort et de la ferme de la Malmaison, et aboutit, à l'Ange Gardien, à la route de Paris à Maubeuge, par Soissons et Laon.
Ce chemin des Dames qui avait vu passer naguère les filles de Louis XV (Adélaïde et Victoire, les "Dames de France") quand elles se rendaient au Château de la Bôve, chez leur dame d’honneur, la duchesse de Narbonne.
Mais également Jules César, Napoléon, De Gaulle, sans oublier Jeanne d'Arc quand elle revenait de Reims.
C’est là qu’en avril 1917, le commandant en chef français, le général Nivelle avait décidé d’attaquer les Allemands. Persuadé de pouvoir briser un front qui ne bougeait plus depuis deux ans, Nivelle avait affirmé que le soir même il coucherait à Laon, à vingt kilomètres derrières les lignes allemandes. Sur de lui, méprisant l’adversaire, sous estimant ses capacités de résistance et son armement, Nivelle n’imaginait pas la défaite, ni les pertes qu’allaient subir l’armée française, ni les mutineries qu’allaient provoquer l’échec de son offensive du 16 avril 1917.
Carte extraite du site si bien renseigné Le chtimiste
Jacques Célestin BARDIN, au Chemin des Dames
(grand-père maternel de mon chéri)
Lors de la déclaration de guerre en 1914, l'arrière grand-père de mes enfants Jacques Célestin BARDIN a été affecté au 331è Régiment d'Infanterie (RI)
Et les Journaux de Marches et des Opérations (JMO) de son régiment nous relatent un résumé des opérations du 15 au 24 avril 1917
Le 15 avril : Le 331è RI quitte les carrières de Roucy à partir de 18h40, se forme en position de rassemblement au S. Est du bois Savart jusqu'à minuit.
Le 16 avril : Le régiment se dirige sur les parallèles de départ, traverse l'Aisne par la passerelle 14. La nuit est obscure la pluie a transformé les boyaux en rigoles de boue. Quelques factions se perdent. La zone des boyaux Hazebrouck, Roubaix (où se trouve les parallèles de départ du 331è) est particulièrement bombardée.
à 6 heures (heure H) le Régiment part d'un bel élan et se forme, bataillons accolés, en marchant sur les traces du 46è RI. Les factions égarées rejoignent.
Quelques éléments du 6è bataillon coopèrent avec le 31' Régiment d'Infanterie à la réduction de centres de résistance à l'ouest du Bois des Buttes.
Le 6è bataillon, tout en progressant couvre le flanc droit et les derrières du 46è RI.
Le 46è RI se trouve arrêté avant d'aborder la route 44. Le 331è se groupe, le 6è bataillon dans le boyau "Musette", le 5è bataillon dans le boyau de la "Redoute".
Le Régiment souffre du tir des mitrailleuses venant de l'Enclume, de la route 44, du Bois des Boches, de la Ville aux Bois et des avions.
La suite des JMO de ce Régiment
Et les JMO du Service de santé consignent
pour ce 16 avril : un total de 114 blessés dont 7 officiers
Un nombre de tués dont la liste est impossible à fournir - parmi ceux-ci les officiers du 331e dont les noms suivent Capitaine Habert - Sous Lieutenant Pierre Sadrin
Le corps éprouve les plus grandes difficultés à ramasser par ses propres moyens les nombreux blessés qui restent encore dans les lignes occupées ; les tirs ennemis de planquement ne permettent pas les évacuations de jour sous les échelons médicaux réglementaires.
Pertes sensibles dans le personnel des brancardiers du régiment...
Jacques Bardin sera tué à l'aube de ce 16 avril, laissant une femme et une fillette de 9 ans dans la peine. Il sera enterré au Cimetière de Beaumarais commune de Pontavert.
Cette "offensive Nivelle" qui devait "rompre le front, d'un seul coup, en 24 ou 48 heures" n'était qu'une partie d'un ensemble d'attaques sur un front de 300 Km de la Manche à la Champagne.
Elle fera plus de 100 000 morts en quelques jours. Ce fut un véritable carnage.
Ce carnage et les 3 ans de guerre ont eu raison du moral des troupes. Certains ne supportent plus les sacrifices inutiles et des mutineries éclatent de-ci de-là de fin avril au début septembre 1917. 2000 à 3000 condamnations aux travaux forcées et une trentaine d'exécutions pour faits d'indiscipline collective.
Dans la Caverne du Dragon, au Chemin des Dames, restent sur les murs des écrits de ces mutineries "PLUS JAMAIS DE 16 AVRIL 1917"
De cette rébellion, sortit une chanson que les grévistes et les soldats reprenaient en coeur ou dans les tranchées, que belle-maman m'a chanté, car elle n'avait jamais oublié les paroles et pourtant, elle ne la chantait pas souvent.
"Adieu la vie
Adieu l’amour
Adieu toutes les femmes
(…)
C’est à Craonne, sur le plateau
qu’on doit laisser sa peau
car nous sommes tous condamnés
Nous sommes les sacrifiés
(...)
Ce s'ra vot' tour, messieurs les gros
de monter sur le plateau
Car si vous voulez faire la guerre
payez là de votre peau.
Si vous souhaitez écouter la chanson de Craonne
Au 1er mars 2017, le Mémorial virtuel du Chemin des Dames recense les noms de 6613 soldats appartenant à l'armée française morts le 16 avril 1917 sur le Chemin des Dames. Un recensement qui n'est pas encore terminé. http://www.memorial-chemindesdames.fr
Pour ma part, je ne peux qu'adhérer au tract réalisé par les soldats lors des mutineries.