Il y a deux ans, tu as tant pleuré quand tu as appris le départ de mon chéri, lui qui aurait pu être ton fils ainé (n'a t'il pas été baptisté le jour
de ton mariage avec sa soeur !).
Tu n'arrêtais de répéter "Que c'était quelqu'un de bien. Que c'était à toi de partir parce que tu ne servais plus à
rien"
Toi dont la mémoire si fiable a fait tant défaut à la fin de ta vie, nous ne te disions plus, pour ton calme, quand tu demandais de ses
nouvelles qu'il était parti dans les étoiles.
Mais je crois bien que même malgré Alzheimer, tu avais au fond de toi un quelque chose qui te disait ce qu'il en était.
Chaque fois, que j'allais te
voir, tu me demandais de ses nouvelles "il travaille" était la réponse. En décembre dernier, tu m'as dit "il
y a longtemps que je n'ai vu Régis, j'aimerai bien le revoir". En janvier, tu as été si mal que les médecins ont cru à ton départ très proche, mais tu t'es "requinqué"
En avril, quand je suis revenue te voir, tu ne m'as jamais demandé de ses
nouvelles.
Et, c'est ce 25 mai, 2 ans jour pour jour après lui, que tu as choisi
de partir (ou est-ce le hasard). Et bien, vois-tu je veux croire que tu as choisi ce jour pour le rejoindre et que vous vous êtes retrouvés et que vous parlez de l'Aumônerie de Pouzauges en
Vendée.
Car, ici, sur cette terre restera ton
œuvre.
La réhabilitation de cette maison familiale de la famille de ta mère : une ancienne aumônerie du début du XIIIème siècle. Tes 87 années passées dans ce
monde auront été plus qu'utiles pour qu'avec ton savoir tu arrives à ce résultat.
Il n'y avait que toi pour réaliser cela.
L'Aumônerie est fondée en 1202 par Guillaume de Chantemerle, Seigneur de Pareds et son
frère Pierre. Elle dépend de l'Abbaye de Saint-Nicolas-d'Angers.
La vocation de l'Aumônerie, hospice de Pouzauges, est de soigner et venir en aide
aux pauvres des communes de Pouzauges et ses environs. Elle en accueille une dizaine. S'ils y terminent leur vie ils sont inhumés, comme les moines, dans le cimetière de la chapelle, au pied des
triplets.
Les offices divins sont célébrés par le Prieur aux fêtes de Pâques, Pentecôte et
Toussaint. A la Saint Jean, patron de la chapelle, la cérémonie est accompagnée d'une procession.
Après avoir traversé les guerres de religion entre catholiques et protestants, en 1794
ce sont les colonnes infernales parcourant la Vendée et Pouzauges qui répandent incendies et violences. L'Aumônerie n'échappe pas à ces drames et c'est sans doute à cette époque que la chapelle,
à l'origine beaucoup plus haute, est détruite sur un tiers de sa hauteur.
De 1806 à 1871, Bonaparte y installe la première gendarmerie à cheval de Pouzauges. Une
gendarmerie à cheval, ce qui explique le cachot, la sellerie, les greniers et les murs de séparation dans la chapelle.
En 1871, le frère de l'un des gendarmes (ton arrière-grand-père), ouvrier brasseur en
Alsace, émigre à Pouzauges. Il opte pour la nationalité française et s'installe à l'Aumônerie qu'il achète à la commune en 1889 dans une vente aux
enchères à la bougie.
Une source qui fournit de l'eau en quantité importante, un grand édifice qu'est le
Prieuré, de nouveaux bâtiments, maintenant démolis (par toi pour cette restauration), pour le stockage de l'orge et du houblon transforment l'Aumônerie en fabrique de bière : La Brasserie
Alsacienne. Son exploitation cesse vers les années 1920.
Elle devient alors borderie et abrite quelques vaches.
La propriété est ensuite laissée pratiquement sans entretien et même
quelques temps inhabitée jusqu'à ce que tu décides d'en entreprendre la restauration en 1992.
(nota : ce texte est extrait de la plaquette réalisé par
Régis pour l'Aumônerie de Pouzauges et distribuée aux visiteurs)
Voici le prieuré avant sa restauration : Travail de titan, auquel tu t'es attelé. La maison sur la droite qui avait ses murs accrochés au Prieuré : tu l'as démollie pour nous permettre de voir les
Triplets.
Mais tu y es arrivé,
et les Pouzaugeais ont pu découvrir ou redécouvrir ce monument et en connaître son histoire. Car
depuis, 2003, tu as ouvert les portes de ta cour pour les "Fils verts de Pouzauges" et les journées du patrimoine.
Le Prieuré Saint-Jean de l'Aumônerie lors des nocturnes du "Fil vert Pouzaugeais"
J'ai pris beaucoup de plaisir à parler avec toi
- de cette Aumônerie et de son histoire,
- de ta famille dont j'ai refait la généalogie qui est ici
- A retranscrire l'histoire de ta vie que tu avais écrit et l'agrémenter de photos pour un faire un livret donné à tes descendants.
Nous avons pu ainsi comprendre pourquoi tu avais ce caractère entier et pourquoi cette force de travail t'habitait.
Je suis heureuse de t'avoir rencontré mon cher beau-frère et je sais que tu vas nous manquer.
Pour toi qui à 20 ans, t'es "engagé volontaire" lors de la guerre 39-45, ce bleuet des combattants.
Embrasse bien fort Régis pour moi et dis lui bien qu'il me manque beaucoup.